Le Loup et l’Agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure [1]

Nous l’allons montrer tout à l’heure [2].

Un Agneau se désaltérait

Dans le courant d’une onde [3] pure.

Un Loup survint à jeun [4] qui cherchait aventure

Et que la faim en ces lieux attirait.

Qui te rend si hardi [5] de troubler mon breuvage ?

Dit cet animal plein de rage :

Tu seras châtié [6] de ta témérité [7].

_Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;

Mais plutôt qu’elle considère

Que je me vas désaltérant [8]

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,

Et que par conséquent, en aucune façon,

Je ne puis troubler sa boisson.

_Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

Et je sais que de moi tu médis [9] l’an passé.

_Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?

Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.

_Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.

_Je n’en ai point. - C’est donc quelqu’un des tiens :

Car vous ne m’épargnez [10] guère,

Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l’a dit : il faut que je me venge.

Là-dessus, au fond des forêts

Le Loup l’emporte, et puis le mange,

Sans autre forme de procès.

Jean de La Fontaine

Sens de la fable

Cette fable présente les relations entre puissants et faibles symbolisés par deux animaux : le loup (fort) et l’agneau (innocent).

On peut la découper en trois grandes parties : la présentation de la situation et des personnages puis le dialogue où ces personnages échangent leurs arguments puis la séquence finale du triomphe du loup.

On remarque que la défense de l’agneau repose sur des arguments logiques : il boit en aval du loup, il n’était pas encore né lorsque quelqu’un s’est moqué du loup etc. ... ; Le loup, lui, a décidé dès le début de manger l’agneau et cherche à justifier son acte par de faux arguments.

Ce dialogue vient illustrer la morale énoncée dès le début : "la raison du plus fort est toujours la meilleure"

Jean de La Fontaine

Ecrivain français surtout connu pour ses fables :

- “Le Corbeau et le Renard”,

- “La Cigale et la Fourmi”,

- “Le Lièvre et la Tortue, etc.

Une FABLE est une petite histoire qui finit souvent par un conseil pour “bien se conduire”.
Ses fables sont inspirées d’Esope et de Phèdre (fabulistes grec et latin)

Le contexte historique

En 1621, c’est Louis XIII qui est au pouvoir. Le cardinal de Richelieu sera son ministre principal de 1624 jusqu’à sa mort en 1642. Louis XIII meurt l’année suivante.
En 1643 commence la Régence d’Anne d’Autriche : Louis XIV n’a alors que 5 ans, elle gouvernera avec Mazarin jusqu’en 1661, date à laquelle Louis XIV commencera à régner jusqu’à sa mort en 1715.

Quelques auteurs contemporains de La Fontaine

Molière, Racine, Corneille, Pascal, Madame de Sévigné, Charles Perrault…

une vidéo de cette fable :